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Cesser son activité de PSAN : obligations, risques et bonnes pratiques
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2 août 2025

Cesser son activité de PSAN : obligations, risques et bonnes pratiques

William O'Rorke
Auteur
William O’Rorke

Mettre fin à l’activité d’un prestataire de services sur actifs numériques (PSAN) présente des risques spécifiques : sanctions réglementaires immédiates, actions en responsabilité des clients, voire une perte de confiance durable dans la marque et l’équipe.

Quelles sont les principales causes de la cessation d’activité d’un prestataire de services sur actifs numériques ? Quels en sont les enjeux majeurs ? Comment anticiper et éviter les principaux écueils liés à cette procédure ? Quelles obligations le règlement MiCA impose-t-il aux CASP en cas de cessation d’activité ?

Les principales causes de cessation d’activité

La fin de vie d’un PSAN n’obéit pas à un schéma unique ; elle peut découler principalement de quatre situations juridiques bien distinctes, chacune appelant une organisation et un calendrier propres. 

L’arrêt volontaire de l’activité

Un prestataire peut choisir de se retirer du marché, soit pour raisons stratégiques (pivot vers d’autres territoires, recentrage produit), soit parce que l’activité n’atteint plus la taille critique requise. Dans ce cas, il sollicite lui-même la radiation auprès de l’AMF ; la décision et sa motivation sont publiées par le régulateur, permettant d’informer le marché et de sécuriser le PSAN.

Une telle sortie exige de prouver, jusqu’au dernier jour, le fonctionnement effectif du dispositif LCB-FT et la restitution intégrale des avoirs clients (crypto-actifs notamment) ; à défaut, l’AMF peut requalifier l’opération en manquement et engager des poursuites.

La liquidation judiciaire

Lorsque les difficultés financières deviennent insurmontables, le tribunal de commerce peut ouvrir une liquidation judiciaire ; le liquidateur désigné doit alors informer l’AMF, inventorier les clés privées et sécuriser les portefeuilles contenant les fonds du PSAN et des clients. La radiation intervient dès que le prestataire n’est plus en mesure de satisfaire aux exigences minimales liées à son enregistrement ou agrément. 

Dans ce cas de figure, le gel rapide des fonds et l’identification des fonds des clients par rapport à ceux du PSAN ou des tiers est essentiel. D’autant que le liquidateur ne dispose pas nécessairement d’une expertise approfondie en crypto.

L’expiration de la clause « grand-père »

Le règlement européen impose une période transitoire : les PSAN déjà enregistrés au 30 décembre 2024 pourront continuer à exercer sans agrément CASP uniquement jusqu’au 1ᵉʳ juillet 2026. Passé ce terme, l’activité doit cesser ou migrer vers le nouveau statut, sous peine de retrait d’office.

Cette échéance, perçue comme lointaine il y a encore un an, requiert dès maintenant un inventaire des services concernés et un plan à deux niveaux : 

  • la mise en conformité de l’activité avec MiCA ; et
  • la cessation ordonnée de l’activité, dont la complexité et la durée ne doivent pas être sous estimées (plusieurs mois à minima).

La poursuite d’activité depuis un autre État membre

Enfin, un groupe peut décider de concentrer ses activités sur une plateforme unique agréée dans un autre État membre, ce qui revient à cesser son activité depuis la France. L’entité française demande alors sa radiation, souvent qualifiée de « restructuration de groupe » ; c’est le scénario suivi par certains groupes européens (Bitpanda, OKX, etc.), qui ont transféré clients et avoirs vers une nouvelle entité. 

Le cadre réglementaire applicable

Les typologie des statuts PSAN

Pendant la période transitoire (clause de grand père), les PSAN peuvent exercer sous trois statuts :

  • Enregistrement « simple » (antérieur au 1er juillet 2023) :  le Code monétaire et financier n’impose pas d’obligations spécifiques liés à la fin de l’activité et à la restitution des fonds des clients. Pour ces acteurs, la fin d’activité revient à une demande de retrait de la liste blanche accompagné d’un plan de cessation d’activité.
  • Enregistrement  « renforcé » : le Code monétaire et financier impose la restitution “dans les meilleurs délais” des moyens d’accès aux crypto-actifs conservés, à défaut de quoi ils doivent être transférés vers un autre PSAN enregistré.
  • Agrément PSAN ou PSCA : le Code monétaire et financier ainsi que le règlement MiCA prévoient des obligations de restitution mais également de cessation d’activité.

Les obligations du Code monétaire et financier

Les dispositions nationales continuent de s’appliquer jusqu’à la radiation effective :

  • Restitution des crypto‑actifs des clients : pour les PSAN concernés, le code monétaire et financier prévoit l’obligation de restituer les crypto-actifs aux clients ou, à défaut, leurs transfert à un autre PSAN ou CASP autorisés ; 
  • Plan de redressement et de cessation d’activité : les PSAN concernés doivent mettre en œuvre le wind‑down plan décrivant les procédures de sauvegarde et de restitution en cas d’arrêt d’activité.
  • Information du public : Le PSAN doit clairement informer le public et la clientèle sur (i) la mise en œuvre du plan de cessation d’activité et la procédure de radiation ainsi que (ii) les conditions, délais et limitations applicables aux utilisateurs.
  • Conservations des données clients : la réglementation, notamment LCB-FT,  impose la conservation des données clients pendant plusieurs années (généralement cinq ans) à l’issue de la fin de la relation d’affaires. La cessation de l’activité n’interrompt pas cette obligation (voir section sur “la conservation des données réglementaires”).

En pratique, le non‑respect de ces obligations durant la phase de wind‑down peut entraîner une sanction disciplinaire

Les obligations supplémentaires prévues par MiCA

Le règlement MiCA ajoute un socle d’exigences directement applicables :

  • Le maintien d’un plan ordonné de cessation d’activité: chaque CASP doit maintenir « un plan détaillant les mesures visant à garantir la continuité et l’intégrité du service et la restitution rapide des crypto‑actifs et fonds des clients ».
  • La responsabilité renforcée du conservateur sur la restitution des crypto-actifs : le CASP demeure pleinement responsable de la restitution des crypto‑actifs ou de la compensation monétaire « sans retard injustifié ».

A noter qu’un PSAN français qui entre en procédure de cessation avant la fin de la période de transition reste soumis au droit français exclusivement, même si rien n’interdit d’appliquer volontairement le cadre MiCA.

Les principaux risques lors de la cessation d’activité

La phase de cessation d’activité constitue pour un PSAN un moment de vulnérabilité juridique. Tant que la radiation n’est pas prononcée par l’AMF, l’intermédiaire demeure pleinement assujetti à l’ensemble des obligations issues du Code monétaire et financier et, depuis le 30 décembre 2024, au règlement MiCA. Trois risques méritent une attention particulière.

La responsabilité civile envers la clientèle

Vis-à-vis de ses clients, le PSAN est susceptible d’engager sa responsabilité à double titres : 

  • D’une part, il est tenu de restituer les crypto-actifs de ses clients, et d’assurer cette restitution  « sans retard injustifié ». Le non-respect de ce délai, et a fortiori de son obligation de restitution, ouvre droit à des dommages‑intérêts, voire à des actions collectives lorsque les clients sont des consommateurs. En pratique, la jurisprudence issue des contentieux PSAN reste embryonnaire, mais les décisions rendues dans le secteur financier en matière de fermeture de comptes laissent présager une évaluation rigoureuse du préjudice de perte de chance ou de privation de plus‑value.
  • D’autre part, le PSAN peut-être tenté de conserver des crypto-actifs, ou d’ exécuter une instruction résiduelle, au-delà de sa radiation. Dans cette hypothèse, parfois involontaire, le PSAN fournit une « prestation illicite » engageant sa responsabilité délictuelle. [insérer article sur la responsabilité du CASP].

La conservation des données réglementaires

La conformité documentaire ne s’achève pas avec la sortie du marché. Pour rappel, les PSAN doivent conserver certaines données (KYC, données de transactions, etc) pendant cinq ans après la fin de la relation d’affaires. 

La perte, la destruction ou l’indisponibilité de ces archives, y compris à l’issue d’une fin d’activité et d’une dissolution de la société, expose le PSAN :

  • à des sanctions administratives sur le fondement de la réglementation MiCA et LCB‑FT ;
  • à des sanctions au titre de manquement au RGPD, notamment si la défaillance procède d’un manquement à l’obligation de sécurité. 

Au-delà de la sanction, l’incapacité à produire ces pièces prive l’entreprise de la preuve de la bonne exécution de son plan de cessation d’activité, fragilisant sa défense en cas de litige client ou d’enquête du régulateur.

Les risques disciplinaires

Durant toute la période de cessation (wind-down), le PSAN demeure sous la supervision de l’AMF et, le cas échéant, de l’ACPR. La responsabilité n’épargne pas les personnes physiques dirigeantes. Le code monétaire et financier permet d’engager leurs responsabilité personnelle pour des manquements au règlement MiCA ou aux obligations de lutte contre le blanchiment, avec des amendes prohibitives. Or, le déclenchement d’une procédure de radiation auprès de l’AMF ou de l’ACPR ne dispense en aucun cas les dirigeants d’un PSAN du respect de leurs obligations.

En somme, un wind‑down mal gouverné expose le PSAN à un triptyque de risques dont l’intensité est d’autant plus forte que la vigilance des autorités et des clients se concentre sur cette phase de fin d’activité.

La procédure opérationnelle de cessation d’activité

Une cessation réussie suppose une organisation méthodique, conforme aux exigences du Code monétaire et financier, du règlement général de l’AMF et du règlement MiCA. Voici quelques étapes nécessaires pour mettre en œuvre une cessation ordonnée et sécurisée des activités.

La cartographie préalable

Avant toute action, la société dresse une cartographie exhaustive :

  • des personnes clés : dirigeants effectifs, compliance, responsables LCB‑FT et sécurité des systèmes d’information ;
  • des prestataires critiques : conservateurs de wallets à froid/chaud, fournisseurs de KYC, fournisseurs de liquidité ou de paiement ;
  • des clients concernés, notamment pour un PSAN étranger ou si la cessation d’activité ne concerne que certains services ;
  • des services sensibles : conservation d’actifs numériques et clés privées, services à exécution automatisée ou abonnement, etc.

Cette cartographie doit permettre d’appréhender globalement le périmètre et l’impact de la cessation de l’activité. Il est formalité dans un plan dont une version est transmise à l’AMF.

La mise en œuvre du plan de cessation ordonné de l’activité

L’organe de direction adopte une résolution constatant l’arrêt projeté et déclenche le wind‑down plan. La décision est notifiée à l’AMF au moins un mois avant la date d’effet. Durant cette période, la société suspend l’onboarding de nouveaux clients et informe la clientèle existante des conséquences pratiques.

La communication aux clients

La société adresse à chaque client un relevé de position et ouvre un canal dédié (hotline ou portail) pour organiser la fin des services et la restitution des crypto-actifs. Sauf cas de force majeur, le PSAN doit laisser un délai raisonnable à ses clients et traiter les réclamations (qui sont plus nombreuses et critiques qu’en période habituelle). Toute opération de restitution est tracée et archivée.

Par ailleurs, le PSAN doit également obtenir le consentement des clients en cas de changement de l’entité responsable de la fourniture des services (ex. : intra-groupe ou transfert des fonds à un PSAN tiers).

Le suivi et le reporting au régulateur

Un reporting hebdomadaire est transmis à l’AMF jusqu’à extinction totale des soldes. Il comprend : état d’avancement des restitutions, incidents de sécurité, litiges éventuels. 

Les pièces justificatives (ordres de retrait, hash des transactions, accusés de réception clients) sont conservées cinq ans, avec les autres données dont la conservation est obligatoire.

La clôture de la procédure

Une fois les avoirs restitués et les litiges réglés :

  • un audit externe peut permettre de valider les opérations ;
  • la société dépose une demande de radiation auprès de l’AMF, éventuellement accompagnée du rapport d’audit ;
  • les contrats tiers sont résiliés, les licences logicielles révoquées et les données à conserver sont versés dans une archive froide chiffrée,  pour la durée légale résiduelle. La décision de radiation est publiée par l’AMF dans les quinze jours et communiquée par le PSAN dans les 24 heures.
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