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11 avril 2019

Pourquoi les Security Tokens intéressent plus les services marketing que les services juridiques ?

Auteur
William O’Rorke

Après la bulle des ICOs (2017~2018) et l’euphorie autour des DAO (2016), les security tokens seraient the next big thing pour 2019 : analyse juridique.

Rappelons qu’un security token est un token représentant un instrument financier, à savoir un titre de capital, une créance, etc. Ils s’opposent aux actifs numériques définis, a contrario, comme les valeurs numériques (utility token, cryptomonnaies) n’entrant dans aucune des catégories déjà régulées : monnaie fiat ou électronique, instrument financier, etc.

Si les security tokens sont souvent parés de toutes les vertus, qu’en est-il vraiment en réalité ?

* * *

Les idées reçues sur les security tokens…

Les hérauts de la révolution des STOs expliquent que ces dernières vont permettre :

  • de lever des fonds en dehors du régime d’émission des instruments financiers : idée répandue en raison de la proximité technologique avec les ICOs non régulées. Les régulateurs du monde entier sont clairs : le support de l’instrument financier — qu’il s’agisse d’un pdf, d’un token ou d’un papyrus — ne suffit évidemment pas à exonérer son émetteur du respect des règles applicables, en vertu du principe de primauté de la substance sur la forme.

Les security tokens sont des securities, avant d’être des tokens.

  • d’internationaliser l’accès aux capitaux : les frontières étant une notion purement juridique, la capacité de les franchir ne saurait résulter du moyen utilisé (tunnel, jet, courrier postal, câble sous-marin) ;

Les security tokens ne sont pas des passeports diplomatiques.

  • d’accéder à de nouveaux investisseurs, non-qualifiés par exemple : l’encadrement strict — et relativement lourd — des offres au public d’instruments financiers vise à protéger les profanes ; ces règles s’appliquent donc aux security tokens également…

Le token ne protège pas les investisseurs des risques liés aux securities.

  • de réduire les coûts d’émission : rien n’est moins sûr ! Le nombre de documents juridiques et d’information à rédiger devrait être identique et le prix des conseils juridiques et fiscaux proportionnel aux risques liés à une pratique nouvelle…

Aujourd’hui, le caractère innovant des security tokens implique des frais de conseils plus élevés. Demain, la protection des investisseurs continuera à justifier des prix similaires.

  • de créer de la liquidité sur des placements privés : la création d’un marché secondaire liquide n’est pas tant un enjeu technique qu’économique. Le rachat des parts d’une startup ou d’un prêt à une PME n’intéresse — en pratique — qu’un nombre restreint de personnes, souvent proches du projet. Bref, pas de quoi lancer une bourse des placements sur startup/PME ;

Les security tokens, s’ils pourront séduire par leur nouveauté, ne suffiront pas à créer de liquidité.

  • de fractionner un investissement dans un actif : il est déjà assez simple de fractionner la propriété sur un actif (actions, dette, etc.) à l’aide… d’un pourcentage écrit sur un bon vieux bout de papier. Encore une fois, il ne faut pas confondre digitalisation (application mobile) et tokenisation (usage sur une blockchain).

Les security tokens ne sont pas l’instrument qui permet de fractionner la propriété d’un actif

* * *

Les réels avantages des security tokens…

Les security tokens tirent profit des caractéristiques de la blockchain, à savoir son aspect numérique by design, le moindre recours aux intermédiaires techniques, la traçabilité et la possibilité du paiement on-chain. Ainsi, les security tokensdevraient permettrent :

  • d’améliorer la liquidité des instruments financiers classiques par la diminution des intermédiaires techniques et le caractère frictionless de la technologie ;
  • d’augmenter l’efficacité du versement des fruits des instruments financiers par l’automatisation (oubliez ce chèque de banque à encaisser pour bénéficier de vos 1,20 € de dividendes) ;
  • d’assurer une meilleure conformité aux réglementations en programmant la gestion des tokens aux règles en vigueur et selon la qualité de son titulaire (ce qui nécessite aujourd’hui, grosso modo, un cabinet d’avocats par juridiction) ;
  • de fluidifier les échanges internationaux d’instruments financiers en réduisant leurs coûts ;
  • d’optimiser la répartition du capital en assurant un suivi en temps réel et en supprimant certains intermédiaires ;
  • d’améliorer la gouvernance entre actionnaires en facilitant l’organisation des prises de décision collectives (quorum, majorité, etc.) ;
  • d’attacher un droit d’usage à un instrument financier en permettant à vos actionnaires de bénéficier d’un service (accès, discount, etc.) au sein du projet.

Ainsi, les security tokens, qui bénéficient de l’ensemble des avantages de la blockchain (transparence, sécurité, traçabilité, transfert de pair-à-pair), permettront d’améliorer le fonctionnement du secteur financier sans pour autant le « disrupter ».

La protection de l’investisseur lambda fera cependant toujours obstacle à la révolution annoncée de la « décentralisation de l’investissement ». Aussi la plupart des projets de security tokens restent-ils, à ce jour, principalement fondés sur des considérations marketing… 🏄‍♀️

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