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Le paysage réglementaire des ETF crypto : Etats-Unis vs Europe
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Articles
13 septembre 2023

Le paysage réglementaire des ETF crypto : Etats-Unis vs Europe

Auteur
Louisa Auscher

Aux États-Unis comme en Europe, les préoccupations réglementaires sont au cœur de l’approbation et du lancement des ETF crypto. Alors que les États-Unis restent prudents en raison de la nature évolutive du marché des crypto-monnaies, l’Europe s’est montrée plus disposée à s’adapter et à innover dans un cadre réglementé. 

🔎Quel est l’intérêt d’un ETF crypto ?

Les Exchange Traded Funds (ETF), plus communément appelés trackers, sont des instruments financiers destinés à répliquer fidèlement les variations d’un indice (le sous-jacent), à la hausse comme à la baisse, de façon passive. Un ETF est un véhicule d’investissement commun dont les actions peuvent être achetées ou vendues à tout moment sur une bourse. Comme un fonds commun de placement, un ETF offre aux investisseurs une part proportionnelle d’un ensemble d’actions, d’obligations et d’autres actifs. 

Avec ces fonds, il est possible de suivre presque tous les indices des principales places financières. Parmi les indices les plus populaires se trouvent notamment les ETF actions et sectoriels (technologie, SP500, CAC 40, etc.).

Pour créer un ETF Bitcoin ou tout autre ETF crypto, une société de gestion crée un fonds qui détient les actifs numériques qui sont utilisés comme réserves, tout comme des actions pour les ETF traditionnels. Pour un ETF spot Bitcoin par exemple, la part du fonds — offert sur le marché — représente un certain montant d’actifs. La société de gestion est chargée d’acheter et de revendre les actifs sous-jacents pour garantir la valeur de la part. 

Les ETF crypto offrent plusieurs avantages. Tout d’abord, leur méthode de distribution permet un accès plus facile au marché des crypto-monnaies. En effet, les ETF permettent de s’exposer aux actifs numériques par des supports d’investissement traditionnels comme les comptes titres, les fonds de pension, les plans d’épargne ou encore les assurances vie.

Les ETF crypto permettent aussi de bénéficier des garanties, notamment de sécurité et de liquidité, offertes par la finance traditionnelle mais également de s’affranchir des complexités techniques liées à l’achat et à la conservation des crypto. 

Par ailleurs, les ETF offrent des frais très faibles du fait de leur gestion passive, en comparaison d’une gestion active type hedge fund pour lesquels les frais sont plus élevés. 

🇺🇸 Etats-Unis : la réglementation des ETF crypto au cœur de l’actualité

Aux États-Unis, les ETF sont principalement réglementés par la Securities and Exchange Commission (SEC), qui exige qu’ils soient enregistrés en tant que sociétés d’investissement en vertu de la loi de 1940 (Investment Company Act), selon les mêmes exigences réglementaires que les fonds communs de placement et les unit investment trusts (UIT).

Selon le Securities Exchange Act de 1934, un fonds doit être conçu de façon à prévenir les pratiques frauduleuses et manipulatoires et, en général, protéger les investisseurs et l’intérêt public.

Au cours des dernières années, la SEC a reçu de nombreuses demandes visant à inscrire des ETF spot Bitcoin sur les bourses nationales. Bien qu’elle ait déjà autorisé deux ETF futures, des ETF composés de contrats à terme permettant de répliquer le cours Bitcoin, la Commission a refusé chaque demande de cotation d’un ETF spot. Notamment, la SEC a refusé la demande de Bats BZX Exchange de coter le Winklevoss Bitcoin Trust en 2018. En 2020, elle a refusé la demande de NYSE Arca de coter le United States Bitcoin and Treasury Investment Trust. 

Dans chacune de ces décisions, la SEC invoque la même raison : les produits ne sont pas conçus pour prévenir les manipulations de marché comme l’exige l’Exchange Act. La SEC souligne alors les risques de manipulation du marché et de volatilité mais également le manque de liquidité et de transparence du marché des crypto-monnaies.

Ainsi, les refus de la SEC ne sont pas dirigés spécifiquement contre les entreprises demandeuses mais à l’égard du marché dans son ensemble qui, comparé à d’autres marchés plus établis, manque de maturité et de gardes-fous. 

Le 29 juin 2022, la SEC avait rejeté la proposition d’ETF spot sur Bitcoin de la société Grayscale Investments, selon les raisons exposées ci-dessus. Mais Grayscale a estimé ce refus comme étant discriminant et arbitraire et a contesté la décision devant la Cour d’appel des États-Unis du District de Columbia à Washington.

Le 29 août 2023, la cour d’appel a jugé que la SEC avait eu tort de rejeter l’ETF spot bitcoin proposé par Grayscale sans expliquer son raisonnement. Les juges considèrent l’affirmation de la Commission selon laquelle informations contenues dans le dossier de dépôt ne démontrent pas la prévention de toute fraude ou manipulation sur le marché spot sous-jacent comme déraisonnable. Plus que le refus d’accepter l’agrément d’un ETF bitcoin, c’est l’absence de raisonnement du régulateur qui est sanctionnée. Autrement dit, la SEC pourra toujours refuser ce type d’ETF… à condition de fonder clairement sa position sur des arguments juridiques.

Si l’arrêt oblige alors la SEC à réexaminer la demande de Grayscale, la Commission a cependant encore le temps de faire appel. A suivre.

🇫🇷 France : comment structurer un ETF crypto ?

En Europe, les ETF sont assimilés à des organismes de placement collectif en valeurs mobilières — OPCVM — indiciels et entrent dans le champ de la gestion collective, qui s’articule autour de la directive OPCVM IV du 13 juillet 2009 et de la directive AIFM du 8 juin 2011. 

En France, la constitution d’un ETF implique que la société soit agréée en tant que société de gestion de portefeuille par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) et que le fonds soit déclaré et agréé. Cependant, la réglementation des OPCVM — déjà très contraignante — présente des difficultés supplémentaires lorsque le fonds porte sur des actifs numériques. 

La première limite réside dans la nature de l’OPCVM. La réglementation distingue deux catégories : les organismes de placement collectif (OPC) et les fonds d’investissement alternatifs (FIA). Le degré de protection des investisseurs est plus élevé pour les OPCVM, qui sont des fonds d’investissement « grand public » contrairement aux FIA, réservés à des investisseurs professionnels.

Ainsi, les OPC ne peuvent pas proposer d’investissement sur des actifs numériques

S’agissant des FIA, la nature des actifs éligibles dépend de la catégorie du fonds. Avant 2019, seuls les « autres FIA » pouvaient investir dans des actifs numériques. Par exemple, le premier fonds commun de placement en bitcoins en Europe TOBAM Bitcoin Fund lancé en 2017 a été structuré sous la forme d’un « autre FIA ». Dans le but de garantir le positionnement de la France sur le marché des crypto-actifs, la loi PACTE a ouvert les investissements en crypto-actifs à certains FIA par nature : les fonds professionnels spécialisés et aux fonds professionnels de capital investissement. Toutefois, pour ces derniers, l’investissement en actifs numériques est limité à 20%.

Enfin, les sociétés de gestion proposant des ETF crypto doivent également se conformer à la réglementation PSAN et le règlement MiCA à venir, ou faire appel à un tiers enregistré ou agréé pour conserver les actifs numériques sur lequel porte le fonds.

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