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24 mai 2024

[Edito] Affaire Tornado Cash : Pertsev aurait-il été condamné en France ?

Auteur
Romain Chilly

La condamnation d’Alexey Pertsev, développeur principal de Tornado Cash, à 64 mois de prison par les autorités néerlandaises le 14 mai pour blanchiment d’argent, a provoqué une vive indignation dans l’industrie crypto.

Néanmoins, une décision similaire aurait probablement été rendue en l’état du droit français. Aussi, elle permet de guider les développeurs de services de protection de la vie privée sur blockchain, plus nécessaire que jamais, dans la conformité de leurs produits.

Le droit pénal français prévoit principalement deux instruments pour réprimer les auteurs d’opérations de blanchiment et leurs complices : le délit de blanchiment accompagné d’une présomption de blanchiment dans certaines circonstances.

Le délit de blanchiment sanctionne ceux qui dissimulent des fonds d’origine illicite ou facilitent la justification mensongère de leur provenance. Ainsi, un développeur pourrait être considéré comme auteur et/ou complice d’une opération de dissimulation de cryptomonnaies issues d’un hack à condition de prouver sa connaissance de l’utilisation du logiciel à des fins de blanchiment. C’est précisément le raisonnement suivi par les juges ayant condamné M. Pertsev.

La présomption légale de blanchiment, introduite en France il y a plus de 10 ans, facilite la preuve du blanchiment en présence de flux financiers complexes et opaques. Ainsi, le code pénal prévoit que les flux financiers (crypto) sont présumés d’origine illicite « dès lors que les conditions matérielles (…) de l’opération (…) ne peuvent avoir d’autre justification que de dissimuler l’origine ou le bénéficiaire effectif de ces revenus ». Dans l’affaire Tornado Cash, les juges ont considéré que l’utilisation d’un mixeur ne pouvait avoir d’autre justification que de dissimuler l’origine illicite des cryptomonnaies. 

Naturellement, cette présomption peut être combattue en démontrant l’origine licite des cryptomonnaies. Si cette démonstration pèse principalement sur l’auteur, le développeur devra prendre soin à fournir des solutions techniques comme une clé de déchiffrement, également présent sur certains protocoles Zero-Knowledge proofs. Par ailleurs, l’utilisation très majoritairement frauduleuse des mixeurs renforce la probabilité pour les juges d’appliquer cette présomption.

En définitive, la combinaison de ces deux dispositions permet de conclure que Pertsev aurait probablement été condamné en France en raison de :

  • sa connaissance de l’origine illicite des cryptomonnaies traitées par Tornado Cash ;
  • son absence de collaboration avec les autorités publiques ;
  • la présomption de l’origine illicite des fonds transitant via Tornado Cash, l’utilisation de ce service pouvant constituer une « condition matérielle ne pouvant avoir d’autre justification que de dissimuler l’origine ou le bénéficiaire effectif ». La mise en place par Pertsev d’une solution de clé de déchiffrement fût trop tardive pour écarter sa responsabilité.

Pour les développeurs d’outils d’anonymisation des transactions on-chain, la décision à l’encontre de Tornado Cash invite à mettre en place des mécanismes (clé de déchiffrement) et des procédures (collaboration avec les pouvoirs publics) pour écarter les infractions liées au blanchiment.

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