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Crédit Lombard et actifs numériques : ce que change (ou pas) la loi du 30 avril 2025
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Articles
12 mai 2025

Crédit Lombard crypto : ce que change (ou pas) le régime de nantissement des actifs numériques

Auteur
William O’Rorke

La création d’un régime de nantissement autonome pour les crypto-actifs promettait de rendre le financement collatéralisé plus rapide et moins coûteux. Pourtant, malgré cette avancée législative, le crédit Lombard adossé à des cryptomonnaies demeure hors de portée des banques de l’Union européenne. 

Un régime de nantissement autonome pour les crypto-actifs

La loi du 30 avril 2025 introduit en droit français un nantissement spécifique des actifs numériques. Pour mémoire, le nantissement est l’« affectation, en garantie d’une obligation, d’un bien meuble incorporel présent ou futur ». Déjà essentiel pour les créances Dailly, fonds de commerce, actions ou brevets, il s’étend désormais aux crypto-actifs.

Les principales nouveautés :

  • Smart contract ou CASP : outre l’établissement d’un contrat, le nantissement peut être constaté on-chain (avec un smart contract) ou via un prestataire de services sur actifs numériques en mesure de délivrer une attestation à première demande.

  • Assiette élargie : sauf mention contraire dans le contrat de nantissement, les actifs ou fonds issus du staking, airdrops, forks et produits de lending sont inclus dans l’assiette des actifs nantis.

  • Accès accéléré : le créancier dispose d’un délai de huit jours suite à une première mise en demeure pour prendre la main sur les actifs ou les stablecoins. Le contrat peut prévoir des mécanismes de liquidation automatique (swap ou CEX), assurant une efficacité sans commune mesure avec d’autres actifs (titres, créances ou immobilier).

  • Garantie technique : le créancier peut détenir une clé de wallet ou un droit d’accès sécurisé par le CASP en charge de la conservation des crypto-actifs nantis.

En théorie, ce cadre moderne réduit drastiquement coûts et délais par rapport aux sûretés mobilières traditionnelles (greffe) ou immobilières (notaire).

Pourquoi le crédit Lombard reste impossible en Europe

Comme pour le règlement MiCA, le nouveau nantissement ne suffit pas à autoriser le crédit Lombard en crypto.

D’une part, seules les banques (et, à la marge, certaines sociétés de financement) peuvent octroyer des prêts en euros en vertu du monopole bancaire. Sans agrément bancaire, impossible de proposer une offre de prêts contre du collatéral crypto.

D’autre part, les banques font face à un blocage prudentiel avec les réglementations Bâle IV / CRR III :

  • Les crypto-actifs « classiques » (BTC, ETH…) sont classés Groupe 2b avec une pondération de risque (Risk Weight) de 1 250 %. Autrement dit, cette réglementation dissuasive impose aux banques et aux assureurs de considérer la crypto comme un actif susceptible de tomber à zéro.
  • Ils ne sont pas éligibles comme sûreté reconnue.
  • En conséquence : pour 1 € prêté, la banque doit immobiliser 1 € de fonds propres. La logique même du Lombard où le prêt doit rester en-deçà de la valeur d’un collatéral très liquide disparaît.

Des solutions de contournement sans équivalent…

Malgré l’absence de Lombard crypto au sein de l’Union, certains acteurs proposent des solutions alternatives :

  • La première consiste à recourir à la finance décentralisée : des protocoles comme Aave ou Compound — ou, côté finance centralisée, l’offre Coinbase Borrow — permettent d’emprunter des stablecoins en nantissant ses cryptomonnaies. L’accès à la liquidité est rapide, mais il se fait en dehors de toute supervision prudentielle européenne ; l’emprunteur assume donc seul le risque opérationnel, l’absence de protection réglementaire et, surtout, le frottement fiscal qui surgit dès la conversion des stablecoins en euros.
  • Une alternative consiste à faire appel à des solutions extra-européennes, en Suisse ou au Liechtenstein, qui proposent déjà des crédits Lombard adossés à des bitcoins ou des ethers. Ces offres, toutefois, s’adressent essentiellement à de gros patrimoines : tickets d’entrée élevés, frais récurrents et exigences de dépôt minimaux en rebutent la majorité des investisseurs et nombre d’entrepreneurs.
  • Enfin, il existe des montages « pseudo-Lombard » où le client dépose ses actifs numériques auprès d’une banque européenne ; celle-ci accorde ensuite un prêt personnel classique, en tenant implicitement compte de la valeur crypto dans son analyse de solvabilité. Comme les jetons ne peuvent être comptabilisés comme sûreté éligible, les montants prêtés demeurent limités et les conditions — durée, affectation des fonds, taux — rarement aussi avantageuses que pour un Lombard traditionnel.

Finalement, tant que le cadre bâlois classifiera les crypto-actifs en catégorie 2b avec une pondération de 1 250 % et que le règlement CRR III refusera de reconnaître les cryptomonnaies comme sûretés acceptables, les banques européennes resteront dans l’impossibilité économique d’étendre ce dispositif aux actifs numériques. Un infléchissement pourrait toutefois venir d’outre-Atlantique : si le régulateur américain assouplit sa position au Comité de Bâle ou valide la solidité des stablecoins intégralement collatéralisés, l’UE disposerait d’un précédent crédible pour adapter à son tour son corpus prudentiel. En attendant, le Lombard crypto demeure, pour les emprunteurs européens, une perspective plus qu’une réalité.

 

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